13 sept. 2010

Michel Vaujour - Ne Me Libérez Pas... Je M'en Charge

Fabienne GODET - documentaire France 2009 1h47mn - avec Michel Vaujour...

Dans la gazette des cinémas Utopia, ça disait ceci :
"Le titre du film, ce pourrait être la devise de Michel Vaujour, ex-ennemi public numéro 1… Mais ce sont d'autres mots qui résonneront longtemps lorsque vous sortirez de la salle : « J'ai appris l'humanité en rampant par terre. »
Après qu'un policier lui ait fiché une balle dans la tête lors d'un braquage qui a mal tourné, Michel Vaujour devient muet et hémiplégique. Voilà ce qu'il aura fallu au « Roi de la belle » avant de retrouver le droit chemin, celui de la vie et des choses simples, celui qui ne semblait pas fait pour lui. Michel a très tôt refusé toute autorité, il a rejeté ce chemin que lui avaient tracé ses parents, celui du petit fonctionnaire sans histoires. De petits larcins en braquages organisés, son choix de vie se confirme. Plusieurs fois incarcéré, il s'évade autant de fois (cinq au total), avec une inventivité qui ferait pâlir les plus grands scénaristes. Quand il n'essaie pas de prendre la poudre d'escampette devant le juge d'instruction grâce une fausse arme sculptée dans du savon, il organise son évasion spectaculaire en hélicoptère de la prison de la santé, le 26 mai 1986 (opération baptisée « La fille de l'air » dont a été tiré un film éponyme avec Béatrice Dalle).

Dans le film de Fabienne Godet, tout ceci reste cependant anecdotique, l'essentiel réside plutôt dans la sphère des évolutions intimes du personnage, dans sa propension à analyser ses vingt-sept ans de détention. D'une loquacité sans pareille, il établit le lien avec ses relations à l'autorité, la soumission, la rébellion et la fuite. Prisonnier de son corps, relus entre quatre murs délavés éternellement éclairés, il explorera son âme dans ses moindres recoins afin de de ne pas céder à la déchéance."

Après avoir vu et revu ce film, j'ai envie d'ajouter : Regardez-le si vous n'allez pas bien, regardez-le si vous avez la pêche, regardez-le si vous avez la haine, regardez-le pour avoir la gnaque ! Michel Vaujour était présent lors de la projection quand j'ai découvert ce documentaire et le bonhomme est fidèle à lui même tel qu'on le devine à l'écran. C'est un homme fait d'humilité, d'humour, d'humanité au charisme tranquille et percutant. Impossible pour moi de comprendre, d'appréhender ces longues années de solitude en QHS, au mitard, parce qu'on ne peut pas le ressentir sans l'avoir vécu mais reconnaitre que l'on a affaire à un homme debout et qui mérite qu'on l'écoute, qu'on s'attarde sur sa réflexion, son cheminement, ça a au moins le mérite de nous faire réfléchir sur notre propre parcours. Fabienne Godet a fait un vrai travail de réalisation, alternant les plans de routes qui défilent, de paysages traversés et ses entretiens avec Michel Vaujour, parfois en plan ralenti et en voix off. La bande son est parsemée de plages musicales brèves qui renforcent cette sensation d'intimité, de quiétude et de force dans les mots de Vaujour et la violence inhérente à son histoire. Écoutez cet homme parler des amitiés factices et de l'amitié sincère qui donne tout, qui va jusqu'au bout. Écoutez-le parler du défi et de la mort qui le faisaient vraiment vibrer alors que matériellement il ne manquait de rien et était en cavale, du vide et de ce qui maintient en vie quand on n'a plus besoin de rien et lorsqu'on devient soi-même sa propre arme... Ce documentaire est  touchant parce que la réalisatrice a su entrevoir l'humanité d'un homme au parcours chaotique et parce que cet homme, même s'il s'en défend, est un "passeur", un être qui transmet aux autres son expérience de la vie avec ses débordements, ses accidents, ses fuites en avant et la possible rédemption, la possibilité d'accéder à une certaine quiétude, pour peu qu'on en ait le désir...  Où en sommes-nous avec nos démons ?


2 commentaires:

  1. De passage sur votre blog au gré des tribulations algorithmique de google, c'est avec un réel plaisir que je l'ai parcouru:l'existence d'articles non seulement lisibles mais surtout intelligibles est une (re)découverte des plus enthousiasmantes lorsqu'on a squatté jusqu'alors la plateforme skyrock blog comme ce fut mon cas!j'en serais presque venu à me demander si un blog pouvait traiter de sujets plus consistants que de l'importance des piercings dans l'emo attitude!

    Votre article sur Ne me libérez pas je m'en charge est vraiment clair et en accord avec ce "parti pris de la vie" évoqué en exergue.Toutefois, la puissance de la parole de Michel Vaujour me semble moins s'originer dans cette "loquacité sans pareille" que dans son aridité, ses silences :silence de sa cellule de QHS;silence du coma;silence de l'absence de raisons (pourquoi son ami est-il mort et pas lui lors de cet ultime braquage?), etc...Elle est en ce sens à l'opposé de l'Instinct de Mort de Mesrine campant devant l'objectif des photographes son propre personnage d'ennemi public n°1 ou multipliant les déclarations tapageuses et vantardes, comme s'il n'existait que par cette mise en scène constante de soi.La parole de Vaujour, c'est celle d'un homme qui n'a plus peur du silence de la mort, du néant, qui s'y est accoutumé, quand celle de Mesrine était accaparée par la hantise de disparaître.

    Vous semblez par ailleurs ramener Dog Pound de Kim Chapiron à un film sur le traitement des ados violents:or il ne faut pas oublier que ceux-ci constituent la matière première du marché des prisons privées aux USA, dont le premier impératif n'est pas la réinsertion sociale mais le profit:on voit que les matons sont eux aussi exploités sans le moindre égard pour leur vie de famille notamment.Ils remplissent leur rôle en réprimant la violence des détenus, de même que ces ados qui se révoltent.Etant irrécupérables, on ne peut que les garder enfermés;pour cela, il faut construire de nouvelles prisons toujours plus sécurisées, avec des matons toujours plus exposés et donc plus armés, etc...

    Avez-vous un Prophète d'Audiard?Qu'en avez-vous pensé?


    PS:les vieux de la vieille ils sont certes encore très bons, mais ils dégagent tout de même de peu ragoutants relents de naphtalinz.... La nostalgie des années 80 voit déjà ressurgir des limbes "début de soirée", "jean schulteis", "Jackie Quartz":à quand la tournée "des âge durs et têtes de punks"? un peu de respect pour les oreilles des moins de vingt (et de trente aussi), ca serait trop demander?

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  2. Tout d'abord, merci pour l'intérêt que vous avez manifesté pour certains des posts de ce blog.
    J'ai apprécié la réflexion sur Michel Vaujour, effectivement le charisme du personnage quand je l'ai rencontré passait plus par une intériorité cultivée, riche et semble-t-il affranchie des peurs dont nous souffrons tous et qui paraissent inhérentes à la condition humaine... Cet homme m'a rappelé mes lectures de Huang-Po et autres maitres zen qui cultivaient dans l'ermitage, le retrait du monde et le silence, l'accomplissement, la transcendance, le dépassement du "soi"...
    Votre commentaire sur Dog Pound est également pertinent et je vous renvoie à l'article que j'ai consacré à La raison du plus fort (http://namaste-baba.blogspot.com/2010/09/la-raison-du-plus-fort-un-documentaire.html), une économie basée sur la criminalité que le système produit, c'est le tour de passe-passe qui s'inscrit parfaitement dans la logique idéologique néo-libérale.
    Quant aux années 80, elles me ramènent plutôt aux échauffourées avec les forces de l'ordre tant dans les manifs étudiantes (Malik Oussekine & les voltigeurs de Pasqua) et la vie + les concerts dans les squatts auto-gérés où il n'était pas rare de devoir se coltiner aux flics qui y faisaient des descentes... J'ai à l'époque aussi côtoyé les rafles dès potron-minet dans les foyers de jeunes (& moins jeunes) travailleurs souvent étrangers et je trouve que tout n'a fait qu'empirer depuis... Hélas oui, de ce point de vue, les eighties étaient presque plus "tendres". Mes lectures étaient plutôt orientées vers Fante, Bukowsky, Steinberg, Paul Lafargue ou Maurice Joyeux et la vie en banlieue parisienne sentait déjà l'errance et l'ennui où on pouvait déjà se procurer armes & drogues... Alors certes, le fond musical était différent mais finalement les urgences - décrites dans les textes des chansons de l'époque sans bénéficier de diffusion radio - étaient déjà bien en germe et n'ont fait que se durcir.
    Bonne journée
    Cordialement

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