
Second ou troisième album des Residents (Not Available, le second enregistré, n’ayant été publié qu’en 1978), The Third Reich’n’Roll apparaît encore aujourd’hui comme un des disques les plus subversifs de toute l’histoire du rock. Composé de deux suites d’une face chacune, titrées Swastikas on parade et Hitler was a vegetarian, enveloppé dans une pochette noire et rouge redessinant l’animateur d’émissions TV musicales Dick Clark dans les atours de la jeunesse hitlérienne, une carotte dans la main, The Third Reich’n’Roll présente un cauchemar à la mesure du rêve de son temps, portant les traces éparses du grand soupçon de la gauche américaine : Et si les nazis avaient invisiblement gagné la guerre ? Et si, au moment de leur destruction par les forces alliées, ils avaient injecté leur virulence dans les recoins les moins soupçonnables de notre culture ? Ce que David Bowie, la même année, dans une interview du magazine Playboy, synthétisera dans l’énoncé « Hitler était la première rock star », The Third Reich’n’Roll est le premier disque à littéralement l’incarner pour en exorciser les forces. Des lambeaux de tubes y sont mis en pièces dans un effrayant capharnaüm sonore, ne réapparaissant que comme les chants d’une gigantesque messe noire. Land of 1000 dances, Rock around the clock, The Letter, Light my fire, Gloria, Papa’s got a brand new bag, s’auto-dissolvent dans un Schlurp burroughsien de trente-six minutes intenses et éprouvantes, qu’on ne peut pas s’empêcher, une fois écouté, de remettre à nouveau sur la chaîne. L’humour noir des Residents est auréolé d’une grave splendeur. Leur esthétique désespérée rend impossible la moindre confusion avec une blague de potaches. Leurs rires sont des cris de rage et leurs blagues confuses des effets de terreur. La manière dont Hey Jude et Sympathy for the devil mêlent leurs tissus respectifs dans une nuée de chœurs douteux n’est pas drôle. C’est quelque chose au bord du suicide.

Dans la machine à broyer les nerfs des Residents, tous les airs se transforment en comptines et toutes les comptines reviennent hanter nos rêves. C’est leur force. Ils incarnent la puissance immanente du désert, le désert qui recouvre toutes les inventions des hommes, leurs désirs et leurs craintes. Parce qu’aucun homme n’est juste, parce que tous les hommes sont fous."
The commercial album : En 1980, les Residents réalisent "The Commercial Album", un opus de quarante morceaux de soixante secondes chacun. Le choix de la minute peut apparaître comme une contrainte, mais c'est avant tout un symbole, celui de la durée moyenne d'un spot publicitaire à la TV américaine. L'album est basé sur un concept radical : retirer la substance même de la chanson pop, pour ne garder que le strict minimum, et offrir ainsi un condensé de musique. Des jingles terriblement efficaces qui mettent en avant les sons de synthés agrémentés de voix passablement disjonctées, les réalisations trottent dans la tête comme des ritournelles éphémères.
Lors de sa sortie, les Résidents ont créé quatre courts métrages avec l'aide de Graeme Whifler : Moisture, Act of Being Polite, Simple Song et Perfect Love. Ces "One Minute Movies" basés sur les titres de l'album font désormais partie de la collection permanente du musée d'art moderne de New York.
25 ans après, en 2004, sort le dvd du même nom : 56 films d'une minute influencés par les 40 compositions originales de l'album ! Les Residents y présentent leurs quatre réalisations originelles, ainsi que dix nouvelles créations. 42 artistes vidéastes du monde entier viennent également agrémenter ce fabuleux projet de leur créativité, tout en respectant l'imagerie si particulière des trublions musicaux, fabuleux inconnus qui combinent dans leurs oeuvres musicales : la vidéo, la performance artistique et l'art multimédia !
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