On pourrait commencer façon Gainsbourg avec le speech suivant: Vous avez aimé l'histoire de Bonnie and Clyde, vous ne connaissez pas celle de Charles Starkweather & Caril Ann Fugate, vous avez suivi celle de Florence Rey & Audry Maupin, alors regardez Natural Born Killers (Tueurs nés / Le Meurtre dans le sang) et vous serez probablement fasciné par l'épopée meurtrière de Mickey et Mallory Knox avec un happy end complètement amoral - spoiler ! Sorti en août 1994, ce film n'est pas passé inaperçu en devenant le 8éme film le plus controversé de toute l'histoire du cinéma d'après le magazine Entertainment Weekly. Le scénario original est de Quentin Tarantino mais fût retravaillé par David Veloz, Richard Rutowsky et Oliver Stone. Tout le travail de remaniement du scénar du sieur Tarantino a consisté à mettre en évidence le rôle prédominant des médias dans la popularité dont bénéficient et jouissent les tueurs en série au sein de l'opinion publique. Ainsi, l'un des personnages clé du film est un journaliste dont le profil est largement inspiré par celui de Geraldo Rivera, une sorte de Christophe Hondelatte d'outre-atlantique à la puissance mille... Mais la charpente scénaristique de Natural Born Killers repose aussi sur une rencontre entre deux êtres qui ont été maltraités dans leur enfance et jusqu'à l'adolescence. De là nait une histoire d'amour qui devra passer par une phase de "rédemption" qui trouve sa logique dans une odyssée ultra violente et meurtrière.
Le bandeau de l'affiche du film à sa sortie aux U.S.A disait ceci: A bold new film that takes a look at a country seduced by fame, obsessed by crime and consumed by the media. Ce qui donne à peu près cela: Un nouveau film et c'est du lourd, qui jette un coup d'oeil à un pays séduit par la gloire, hanté par le crime et consommé par les médias.
L'œuvre est à la hauteur du tagline avec pas moins de 18 formats vidéo (8mm, 35mm, vidéo, dessin animé, plans en noir & blanc, filtres colorisés...etc.) et sonorisés avec environ 130 morceaux musicaux. "J'ai toujours aimé ces petits moments de calme avant la tempête" résume parfaitement la scène d'introduction. Mickey (Woody Harrelson) et Mallory (Juliette Lewis) passent leur commande tranquillement dans un snack paumé au milieu des rednecks. Le juke-box joue parfaitement son rôle pour détendre l'atmosphère (enfin jusqu'à L7 et sa "Shitlist") mais le fiston d'un chasseur se met en tête de draguer la belle fausse-blonde. Et c'est alors que la fête commence dans un massacre disséqué par des plans suivant la trajectoire implacable d'une balle vers la tête d'une cuisto, qui s'arrête en tournant sur elle-même, pour exploser de plus belle, ou celle d'un couteau tournoyant sur fond d'opéra...
L'aventure des deux amants peut fasciner, toucher, comme elle peut vous révulser mais elle est dans la tradition des grandes histoires d'amour où un pacte est scellé tacitement entre deux individus qui sont prêts à mourir l'un pour l'autre. L'union, ici, est consommée dans le sang, celui du couple et celui de tous ceux qui se mettent en travers de leur chemin et ils seront nombreux à recevoir la bastos qui les enverra ad patres, au terminus des prétentieux ! On a dit le film déconseillé aux âmes sensibles, je n'adhère absolument pas. Au contraire, il faut une certaine dose de sensibilité pour comprendre et admettre qui sont Mickey et Mallory, deux êtres profondément tourmentés qui s'affranchissent de leurs chaines et de leurs peines en déchargeant leur violence intérieure sur le monde alentour. La scène où ils sont accueillis par un indien navajo (Russell Means) est particulièrement symbolique de cette chape de plomb qui pèsent sur leurs épaules et que le chaman décèle immédiatement. Ils sont le produit de leur époque, le fruit de la violence de nos sociétés modernes égoïstes, individualistes, coupées des réalités naturelles et se laissant aller à la violence inhérente à toute forme de vie animale. Oliver Stone aurait souhaité pouvoir laisser un plan tourné puis supprimé au montage pour cause de longueur du film, où la rencontre entre le couple et le navajo se déroule au cours d'une dispute entre les deux "démons" quand Mickey fait un discours sur les choix que doit faire l'homme dans les 90's. Mallory, armée, oblige ce dernier à se mettre à genoux et à se dessaper. Elle tient en joue son amant quand apparait l'indien entouré d'un troupeau de moutons dont l'un s'échappe. Le chaman demande alors à Mallory de tuer la bête qui fuit, elle y renonce et tous deux suivent l'homme qui leur ouvre sa demeure.
Le film séduit aussi parce que toute forme d'autorité y est bafouée, tournée en dérision et les médias en font bien évidemment partie. La police, bien sûr, via le personnage de Jack Scagnetti (Tom Sizemore), ancien keuf devenu détective et névrosé à ras bord, à la fois hanté et fasciné par des mass murderers tels que Charles Whitman et sexuellement attiré par Mallory. Le directeur de la prison où sont incarcérés les Knox, le désopilant Warden Dwight McClusky (Tommy Lee Jones) à l'improbable coupe de tifs dont on se demande si c'est un tour de magie, est un individu tout aussi atteint psychologiquement, voire pire, que les détenus dont il a la charge. Toutes ces exagérations dans le profil des personnages sont aussi là pour nous rappeler le miroir déformant de la réalité que nous bouffons au quotidien... L'impasse dans laquelle s'est engagée notre société de consommation.
Je l'ai déjà évoqué, ce film est truffé de plans surprenants tant par le contenu que par la technique utilisée. La rencontre des deux "héros" filmée comme dans un talk show n'a rien de gratuite. Je vous invite aussi à observer aussi toutes les images qui défilent parfois en surimpression dans une fenêtre ou sur un mur. Ces images nous ramènent vers notre Histoire commune et trouvent leur légitimité dans la narration.
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