15 sept. 2010

METAL URBAIN - Pionniers Du Punk Héxagonal

Métal Urbain a été le groupe punk français le plus novateur à la fin des seventies. Dit comme ça on pourrait penser que je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans, etc... Non point ! Les vieux de la vieille en ont sous le pied et se sont reformés en 2003 pour une série de concerts et 2 albums: "J'irai chier dans ton vomi" en 2006 (un album à laisser dans la cuvette où vous l'avez trouvé) sous la houlette de Jello Biafra (ex-chanteur des Dead Kennedys) & "Crève salope" (Un 8 titres de remixs plutôt réussi). Ce qu'il reste de percutant chez Métal-U, c'est le nihilisme affiché et revendiqué des textes de Clode Panik & Eric Débris, l'improbable fusion de 2 guitares sur-saturées (Rikky Darling & Eric Débris) et d'une boite à rythme déjantée (Zip Zing, Charlie H & T.G. Parker). La recette magique aurait pu être ceci : Mettre dans un checker les Stooges, les Sex Pistols et Suicide, mélanger le tout et ajouter un zeste d'obscénité, une louche de provocation, une bonne tranche d'esprit négatif (en guise d'apéritif !) et servir chaud-bouillant...

Certains titres m'ont marqué durablement comme "Panik", "Ghetto", "Lady Coca Cola" ou encore "Snuff Movie". Politiquement parlant, les textes de Métal-U sont proches du terrorisme, le constat est amer, cruel et l'appel au meurtre du président est sans détour. Le sexe est abordé très crument, de manière obsessionnelle voire psychotique, on est loin des bluettes habituelles et leur petite copine de jeux pourrait s'appeler Lydia Lunch...  C'est en Angleterre que tout a pu se concrétiser grâce au label Rough Trade ( En France il y avait des idées, pas de pétrole et "3 radios périphériques" toutes pourries)

Une interview d'Éric Débris à Bourges en Avril 1996 (par Pol Dodu) :
- Bonjour je ne te dérange pas ? est-ce que tu as une ou deux minutes pour répondre à quelques questions ?
- Ouais j'allais manger mais ça peut attendre
- Bien, alors je voulais juste savoir comment un groupe français avait pu se retrouver à sortir le 1er disque chez Rough Trade. Vous habitiez à Londres?
- Non pas du tout. On devait aller y jouer un concert. Au moment de partir de Paris, on a reçu un télégramme nous disant qu'on avait un deuxième concert. On est parti sans savoir où on allait pieuter ni rien. On est allé à la boutique Rough Trade parce qu'on savait qu'ils nous connaissaient et vendaient nos disques.
- Le label est donc bien parti de la boutique
- Oui, et d'ailleurs le label c'était juste une pièce à l'arrière de la boutique. On est arrivé là. On a dit qu'on était Métal Urbain et ils n'en revenaient pas. Ils ont appelé les mecs qui étaient justement dans l'arrière-boutique. On avait une cassette qu'on leur a fait écouter. Ça leur a plu, et ils nous ont demandé s'ils pouvaient le sortir.
- Tout s'est donc fait très vite.
- Oui, en fait Geoff Travis - le patron - était aux States. Et il n'est revenu que le deuxième et dernier jour de l'enregistrement. Il a un peu gueulé qu'ils aient précipité les choses, mais comme la musique lui plaisait il a dit OK. En sortant du studio, la bagnole a fait un arrêt au studio de gravure. Pour le pressage ça a été un peu plus coton car Mull of Kyntire des Wings faisait un carton et mobilisait toutes les chaines de pressage. Mais on a pu en réserver une en Irlande.
- En tout combien de temps s'est écoulé avant la sortie du disque ?
- Deux semaines environ, on a dû recevoir le disque la veille de Noël 77.



Le récit de la rencontre  Jello Biafra - Métal-U par " le dessert nigérian de gélatine multicolores" himself : 
  J'ai entendu parler pour la première fois de Métal Urbain lorsque j'ai vu leur premier single en facing dans un magasin de disques parisien alors que je n'étais, en 1977, qu'un jeune baroudeur hippie. Je n'avais plus de place dans mon sac et n'ai pas pu l'acheter. Mais je me suis demandé comment ça pouvait sonner... Quand je suis retourné chez moi dans le Colorado, j'ai appris que ce même single de Métal Urbain avait fait son chemin jusqu'en Amérique et que mon ami John Greenway (qui plus tard co-écrit "California Über Alles") en avit déjà un exemplaire. John était celui de mes amis qui avait les goûts les moins rock et les plus étranges et je me suis dit que je devais écouter ce groupe immédiatement. "Panik" sur la face A était du punk, mais comme aucun autre groupe punk que nous avions entendu précédemment. J'ai aimé le synthé hurlant et les paroles énervées en français. Je ne pouvais comprendre le français mais ceci détruit complètement l'idée que le français ne pouvait coller au rock. Le français était maintenant une arme punk ardente. Mais le vrai choc vint de la face B, "Lady Coca Cola". Ce n'était pas tellement du punk, plutôt une pure attaque sonore. Peut être un peu de Heldon/R. Pinhas, mais plus proche d'une percée de fraise de dentiste sortant en stéréo! Ces mecs n'étaient pas seulement différents, ils étaient fous! Je me demande ce qu'en pensent les fans de Jean Michel Jarre. A San Fransisco, j'ai trouvé une courte interview dans le magazine punk "Search and Destroy". La traduction de "Panik" était plus politique, militante voire même effrayante que la plupart des groupes punk de 77.


"Pourquoi tu chantes en français?" "Pour que les américains ne comprennent pas". J'ai aimé l'attitude aussi. D'aures singles sortirent: "Paris Maquis", "Hystérie Connective", tous meilleurs que le précédent. Métal Urbain n'était pas seulement un groupe flirtant avec les limites du punk mais surtout un putain de groupe rock and roll. Affamés, nous attendions l'album, mais il ne vint jamais. Comme de nombreux pionniers du punk, le feu, l'émotion et les conflits ont divisé le groupe peu de temps après. D'autres prirent le relais et ont fait de la France le seul lieu avec une tradition de groupes utilisant les batteries électroniques et groupes de punk-électro. Selon moi, Charles de Goal, Kas Product, Ludwig Von 88 et Bérurier Noir, et même en Amérique Big Black, doivent leur existence à Métal Urbain. Imaginez donc ma surprise lorsque 25 ans plus tard, je vois une affiche annonçant Métal Urbain jouant dans un petit club de San Fransisco appelé le Hemlock. Je suis allé au concert m'attendant à voir un jeune groupe de pop indé qui avait volé leur nom. Eh bien non, ils étaient bien là. Même à ce moment leur musique produisit la confusion au sein du public. V. Vale de "Search and Destroy" était là aussi. Nous sommes allés leur faire un salut amical pour leur faire comprendre que certaines personnes ici se souvenaient d'eux. Ils retournèrent ensuite au festival South by Southwest à Austin au Texas, avec de superbes nouvelles chansons et un nouveau venu au synthé qui semblait avoir allumé un feu ardent au sein du groupe.


Métal Urbain n'a rien à voir avec la nostalgie, c'est un groupe du futur à nouveau. Je suis surpris et honoré qu'il m'aient demandé de produire leur nouvel album. Métal Urbain a été mon mentor et non l'inverse. Je savais que nous allions avoir besoin de Matt Kelley derrière la table car il maitrise le son et a excellé dans la production de la musique électronique et des sons hip hop via son travail avec The Coup, Hieroglyphics, Digital Underground et George Clinton. Les nouvelles chansons sont fantastiques: rien est à jeter et tout autant, voire même meilleures que les chansons des années 70. Nous nous sommes tous mis d'accord pour que cela ne sonne pas comme leur vieilles productions. Les temps ont changé, la technologie a évolué et cette musique importe maintenant. Je pense qu'il y a du bon pour les fans de différents horizons musicaux : Des vieilles compos de Métal Urbain à Turbonegro ou Ministry. Des Bérurier Noir à Atari Teenage Riot. La musique, les sons et l'amitié existant avec ce groupe ont tous été une grande expérience pour moi. Jello Biafra
                                            

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