Il agace, il réjouit, il irrite, il stimule et surtout c'est à prendre ou à laisser avec l'animal Jean Pierre Mocky. Cet incontournable bonhomme du cinéma "pas formaté" hexagonal après plus d'une soixantaine de films, est resté l'incorruptible auteur qui analyse avec une grande lucidité notre société. Il ira pas bouffer au râtelier des pisse-froid et si ses films sont mal distribués, il s'en cogne et décide de les projeter dans les cinémas dont il fait l'acquisition ( Le Brady en 1994 puis l'Action Écoles
rebaptisé Le Desperado en 2011). Ses compétences dans le métier : réalisateur, acteur, chef monteur, dialoguiste, producteur et scénariste... On lui reproche un égo rétif et réfractaire à toute tentative d'assagissement dans le propos. On le sait grande gueule, voire casse-bonbon avec les équipes de tournage, il semble que ses coup de gueule en désoriente plus d'un mais ce mec a le plus souvent un timing de feu, il filme dans l'urgence et maitrise suffisamment son sujet pour qu'on ne vienne pas l'emmerder pour des broutilles.
Bref il appartient à une espèce en voie d'extinction, celle des auteurs frondeurs du business cinématographique. Une autre qualité de l'œuvre de Mocky, c'est sa résistance à l'érosion du temps. Ses critiques acerbes de la TV (La grande lessive), la folie collective que génère certains jeux stupides (A mort l'arbitre), la collusion entre grands médias & pouvoir politique (Un linceul n'a pas de poches), les relations troubles entre la Justice et le pouvoir (Vidange), sont toujours en résonance avec le monde d'aujourd'hui.
Solo : Un Mai 68 en 2011 ?
"Avec Solo, J-P Mocky a inventé le néo-polar : faire un film noir avec un contexte fort. Le film n'est pas mythique mais il n'a pas bougé d'un pouce depuis plus de 40 ans ; chaque plan est à sa place".
Le synopsis : Après Mai 68, Vincent, violoniste et voleur de bijoux, part à la recherche de son frère Virgile, chef d'un groupuscule "anarchisant" qui mène des attentats sanglants contre la haute bourgeoisie, présentée dans toute sa décadence. Mocky y joue le rôle principal, contraint et forcé : "J'ai joué le rôle de Vincent car Delon et Belmondo n'en ont pas voulu. L'acteur mâle, ce n'est pas pour moi. Ce sont les femmes qui se maquillent et s'admirent devant une glace".
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B.O du film
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Extrait d'interview :
Ronny Chester : Vous faites délibérément des films politiques prêtant le flanc à la polémique, avec ce goût affiché pour le subversif et le mauvais goût.
J.-P. M. : Oui, je fais des films subversifs. Je n'essaie pas de réunir un consensus de gens pour ne choquer personne. Le problème du cinéma, c'est de faire tout pour ne pas choquer les noirs, les Arabes, les Juifs, les catholiques, les protestants. Quand vous faites un film, quel qu'il soit, vous avez deux solutions. Soit vous foncez, et vous vous en foutez pas mal de ménager tel ou tel groupe ; soit vous prenez plusieurs scénaristes qui servent de contrôle. L'un va dire « Attention, là ça ne va pas plaire aux catholiques », un autre dira « ça ne va pas plaire aux Juifs », et un dernier aux femmes trompées ou aux cocus. Moi, dans L'Etalon, je me fous complètement des cocus. Il y a une différence d'approche des sujets. Une fois que les sujets sont écrits et entérinés par les producteurs qui cherchent la galette, c'est fini. Moi je ne fonctionne pas comme ça et, automatiquement, j'ai des gens qui freinent à l'arrivée. Si vous faites un film avec un homme chauve et impuissant, et que le directeur de la distribution est lui-même chauve et impuissant, il va dire : « Je n'en veux pas ! Qu'il aille se faire foutre, Mocky ! Je prend un autre film. » Le problème, c'est l'identification des décideurs avec le sujet. Les décideurs qui décident quel film va passer à la télé, quel film va passer au Marignan sur les Champs-Elysées. Là, vous êtes arrêtés comme par un mur. Le type regarde comme un douanier. Si quelque chose le trouble dans le film, il le sabre, lui file trois salles et le sort au mois de juillet. C'est ça qui tue le cinéma. Les films qui ont de la personnalité ne peuvent pas éclore. Et les réalisateurs, qui sont des gens peut-être plus talentueux que moi, comme Chabrol et Tavernier le sont peut-être plus que moi, malheureusement ils démissionnent. Ils démissionnent au départ car ils savent qu'ils ne passeront pas le Rubicon. Ils font des choses qui quelquefois ne leur plaisent pas. Chabrol détestait une partie de ses films, mais il les a fabriqués. Moi non. Quand il a attaqué la bourgeoisie dans ses films, comme ceux avec Michel Bouquet et Stéphane Audran, c'était toujours en respectant une partie de la bourgeoisie tout en s'en prenant à une autre. Moi, je tape sur la bourgeoisie à 100%, lui a 50%. Il s'est créé un public de bourgeois parce qu'il ne les descendait pas tous. Voilà la différence qu'il y a entre eux et des réalisateurs comme Godard et moi, ou Mordillat, Marboeuf, des gens comme ça, qui sont de ma catégorie en quelque sorte.
RC : Des indépendants farouches, des francs-tireurs ?
J.-P. M. : Oui, des francs-tireurs. Encore que ça ne veut rien dire, des francs-tireurs, on ne tire sur personne. Tirer, ça veut dire tuer. Moi je n'ai jamais tué personne !
Sources & Liens
DL
02 août 2011 - interview Mocky - Jp-mocky par Antoine Blin
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