En 1974, Claude Chabrol réalise une adaptation d'un roman de Jean-Patrick Manchette paru dans la Série Noire : Nada, considéré depuis comme le prototype du nouveau roman policier français, ouvrage coupable d'avoir enfanté la vocation de petits auteurs qui pensent qu'il suffit d'injecter situations politiques et notations gauchistes pour oublier la littérature. Lorsqu'il écrit Nada, Manchette, conscient de recycler des formes périmées, plaque sur la description d'un fait divers politique (l'enlèvement de l'ambassadeur des Etats-Unis par un groupe anarchiste) la structure et la technique froide et béhaviouriste des romans de hold-up de Richard Stark (pseudonyme de l'écrivain Donald Westlake). Le livre utilisait une langue à la fois neutre et précise, dégagée de tout affect et subtilement sarcastique. Il fut immédiatement reproché à Chabrol les trahisons effectuées par rapport à l'oeuvre initiale. Nada de Manchette est une description à la fois crédible et stylisée d'un pompidolisme à base de provocations policières et de paranoïa agissante (Marcellin, le ministre de l'Intérieur d'alors, voyait un complot international partout) et une critique de la lutte armée comme agitation spectaculaire. "Le terrorisme gauchiste et le terrorisme étatique sont les deux mâchoires d'un même piège à cons", concluait Buenaventura Diaz (Fabio Testi), l'un des kidnappeurs nihilistes, seul survivant du coup de main, les autres ayant été massacrés délibérément par la police.
Le film conserve quasi intégralement les événements et les dialogues du livre mais en expulse les charges contre le PC et la démocratie électorale.
Mais s'il est paradoxalement absurde de le comparer à un livre dont il suit pourtant fidèlement la trame, c'est parce que Chabrol transforme son matériau de base. Nada devient une sorte de série B violente, dénuée de toute afféterie, scandée par la mélodie martiale créée par Pierre Jansen, musicien attitré de Chabrol. Le film évite les travers de la fiction de gauche, genre en vogue à l'époque, parce qu'il opte délibérément pour un grotesque éloigné de tout naturalisme. Le ricanement furieux du bouquin devenant ici un regard burlesque sur le ridicule du pouvoir. Un ministre peureux, un directeur de cabinet lâche et un commissaire de police brutal se livrent à un exercice comique de dédouanement, d'instructions insidieuses et d'autorité. Les terroristes soutenus par un casting irréprochable (comment désormais imaginer Epaulard, le chef du groupe armé, autrement qu'en Maurice Garrel ?) règlent surtout des comptes avec eux-mêmes. La mise en scène à l'emporte-pièce fait parfois penser aux petits polars contemporains du cinéma italien. Chabrol qui a déclaré ne jamais utiliser le zoom l'emploie pourtant ici, par deux fois, magistralement, provoquant à chaque fois une cassure perceptive très déstabilisante : lorsque la femme d'un des anarchistes hurle, la gorge tranchée, face aux policiers venus l'arrêter et lorsque Epaulard repose devant sa glace le pistolet avec lequel il a mimé, une seconde, le geste de se tirer une balle dans la tête. (Source : Les Inrocks)
Big Tx à Galmuchet
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EDIT du 31.01.2012
Ce Post va faire l'objet d'un correctif prochainement...
La re-lecture du livre de Manchette modifie considérablement l'opinion qu'on peut avoir du film de Chabrol.
http://www.franceculture.fr/emission-une-vie-une-oeuvre-jean-patrick-manchette-1942-1995-2012-11-10
RépondreSupprimerça peut toujours servir pour un prochain correctif...
Sans aucun doute !
RépondreSupprimerMERCI