17 oct. 2011

PIERRE & LE LOUP - Suzie Templeton (2006)

Le conte musical Pierre et le loup est né de la rencontre entre Sergueï Prokofiev et Natalia Saz alors directrice artistique du Théâtre central pour enfants de Moscou. Nous sommes dans les années 1930 et l'œuvre est finalisée en 1936. Texte et musique sont écrits par Prokofiev, Natalia récite le texte tandis qu'un orchestre ponctue les intermèdes de l'histoire. La particularité de ce conte réside dans la très pédagogique trouvaille qui associe chacun des personnages du récit à un instrument. Pierre : le quatuor à cordes, l'oiseau : la flûte traversière, la canne : le hautbois, le chat : la clarinettele, le loup : les cors, le grand-père : le basson, les chasseurs : bois et cuivres, par exemple la trompette (les coups de feu sont illustrés par des coups de timbales et de grosse caisse). Le but étant de sensibiliser les jeunes oreilles aux sonorités de divers instruments...

Prokofiev a su utiliser le caractère spécifique de chaque instrument pour décrire le tempérament et les particularités des personnages :
l'agilité - virtuosité de l'oiseau - flûte traversière et sa sonorité cristalline, le pataud - bucolique de la canne - hautbois et son caractère pastoral, la félinité - légèreté du chat - clarinette et son espièglerie naturelle, le bougonnement - caustique du grand-père - basson et sa voix profonde, le lugubre - envoûtant du loup - trois cors et ses accords si sombres, le clinquant - réjouissance des chasseurs - cuivres/percussions et leur marche triomphale, le spontané - simplicité de Pierre - orchestre à cordes et sa candeur naïve. (Wiki Source).
Peter & the Wolf est  l'adaptation en stop-motion de Suzie Templeton dans un monde d'images fantastiques inspirées de la Russie du début du XXème siècle. Le film est original par le peu de dialogues ou de narration, l'histoire étant racontée par les images et le son, et interrompue par des moments de silence, elle peut se résumer ainsi:  Bravant l’interdiction de son grand-père, Pierre s’aventure dans la forêt. Avec l’aide d’un oiseau farceur et d’un canard rêveur, il trouve le courage de capturer le loup...




La poésie cinématographique légèrement punkoïde de Suzie Templeton donne un souffle nouveau  à ce récit. Elle renforce l'intemporalité du conte en suscitant chez petits et grands des émotions nouvelles. J'étais parti sur un laïus plein d'enthousiasme quand je suis tombé sur un article du site classiquenews.com. Il dit à peu de choses près tout ce qui me trottait dans la tête... Je le mets donc en partage ici (des fois, on ferait mieux de ne faire aucune investigation sur un sujet qui nous a percuté... Bon, j'ai quand même peaufiné les images, comme d'hab.)
"La réussite de ce film d'animation n'est pas seulement de réaliser sur le plan visuel, un exceptionnel conte féerique où les marionnettes subjuguent constamment par leur réalisme et leur poésie, il s'agit aussi grâce à la relecture de la réalisatrice britannique Suzie Templeton, d'un drame sensible qui réinterroge le rapport du garçon à l'animal. En Pierre, le loup a trouvé un rival imprévu. Remarquable et fascinant.

Attention chef-d'oeuvre!
Voici un excellent film qui donne à l'animation, ses lettres de noblesse. Sous la direction de Suzie Templeton, une équipe polonaise a réalisé tous les décors et les marionnettes, ainsi que supervisé la digitalisation de la post-production. Le résultat est au-delà de ce qui a été réalisé jusque-là sur la partition de Prokofiev. Laquelle d'ailleurs est réduite en format court, pas plus de 30 minutes. Mais 30 minutes de pure magie, d'enchantement et de féerie.
Templeton maîtrise réalisme et poésie : réalisme à la façon des films d'actions les plus affûtés, comme poétique parce que l'invention des marionnettes, leur photogénie à l'écran, est littéralement fascinante. L'idée d'avoir imaginé l'action dans la Russie moderne, avec de constants glissements vers l'univers de Tim Burton (l'arbre à la Sleepy Hollow ; la lune au visage souriant proche de L'Étrange Noël de Monsieur Jack), est géniale. Présageons que, d'ailleurs, le film parle autant aux adultes qu'aux enfants.

La réussite totale vient surtout, outre sa réalisation proche de la perfection, du scénario : une action reconstruite, avec une fin des plus imprévues qui est en définitive, l'aboutissement du sujet de cette fiction onirique : la relation du jeune Pierre et du loup. Rapport des deux adversaires, jeu des regards -gemellaires : yeux bleus du Loup, yeux bleus de Pierre-, confrontations muettes... La rencontre du loup et de Pierre se déroule les yeux dans les yeux, à la façon des bons vieux westerns et de la scène du duel décisif...
Entre le gamin et l'animal, se tisse une compréhension inédite qui donnent une étoffe nouvelle à leur personnage respectif, et subtilement restituée à l'écran, produit l'irrépressible attraction du film. Pierre n'est pas garçon à se laisser impressionner ni à avoir peur :  il nous le montre avec éloquence. L'histoire recomposée raconte comment le jeune héros confronté à l'horreur, apprend à vaincre son angoisse. Entre les deux rivaux se précise un lien secret qui permet au garçon de s'affirmer définitivement. En dehors des clichés et du manichéisme bon enfant, Suzie Templeton réoxygène la saveur de cette légende grâce à un authentique talent d'invention. En plus d'une intelligence qui reconstruit et illumine le sujet d'une nouvelle clarté, la réalisatrice a trouvé un langage narratif, et des références visuelles, subtils et élaborés. Comme elle l'avait fait auparavant dans son précédent film d'animation, Ichtys.
 La profondeur énigmatique de la profonde forêt, l'innocence du garçon qui parle aux oiseaux, mais aussi l'humour de certaines scènes, comme celle du chat tombant de l'arbre aux pieds duquel l'attend le loup vorace... d'ailleurs, le personnage du chat est constamment hilarant, comme le jeu de bascule et des cordes entremêlées qui marque la confrontation de Pierre et du loup...

Deux images, parmi tant d'autres, nous ont précisément subjugué par leur beauté et ce sentiment de féerie totale : l'expression de Pierre, terrassé par l'horreur et traversé par le sentiment de culpabilité quand, après avoir fait signe au canard de le rejoindre, il est le témoin impuissant de la charge du loup qui engloutit le pauvre volatile, en une bouchée... par sa faute. Plus tard, l'arrivée de Pierre vainqueur  sur la place de la ville, conduisant la cage du loup emprisonné, avec derrière lui, la présence irradiante de la lune...
Fonctionnant admirablement sur la musique de Prokofiev, interprétée par le Philharmonia Orchestra, parfaitement articulé sous la baguette de Mark Stephenson, le film enchante par son esthétisme et sa finesse de construction : il parle constamment à l'imaginaire. En févrrier 2008, l'Académie des Oscars à Hollywood a décerné l'oscar du meilleur court métrage d'animation, au conte musical réalisé par Suzie Templeton.


Peter & the Wolf
Réalisatrice : Suzie Templeton
Musique : Prokofiev
Producteurs : Alan Dewhurst & Hugh Welchman (BREAKTHRU FILMS) Co-producteur : Zbigniew Zmudzki (Se-ma-for Studios)











Bonus !
Gérard Philipe - Serge Prokofiev : Pierre et le Loup (1956)
Version française de Gil-Renaud. Interprété par l'Orchestre symphonique de l'URSS, sous la direction de Guennadj Rojdestvens.

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