Jour De Lessive
Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.
Quand ils mangeaient, c’était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c’était du sang.
Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
Quand ils dormaient, c’était sans regret.
Quand ils travaillaient, c’était méchant,
Quand ils rodaient, c’était effrayant,
Quand ils jouaient, c’était différent,
Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant.
Mais quand ils parlaient, c’était d’amour.
Ils auraient pour un baiser
Donné ce qui leur restait de sang.
Leurs mains avaient des lignes sans nombre
Qui se perdraient parmi les ombres
Comme des rails dans la forêt.
Quand ils s’asseyaient, c’était plus majestueux que des rois
Et les idoles se cachaient derrière leur croix
Quand devant elles ils passaient droits.
On leur avait rapporté leur tête
Plus de vingt fois, plus de cent fois,
Les ayant retrouves à la chasse ou dans les fêtes,
Mais jamais ils ne voulurent reprendre
Ces têtes où brillaient leurs yeux,
Où les souvenirs dormaient dans leur cervelle.
Cela ne faisait peut-être pas l’affaire
Des chapeliers et des dentistes.
La gaîté des uns rend les autres tristes.
Les quatre sans cou vivent encore, c’est certain,
J’en connais au moins un
Et peut-être aussi les trois autres,
Le premier, c’est Anatole,
Le second, c’est Croquignole,
Le troisième, c’est Barbemolle,
Le quatrième, c’est encore Anatole.
Je les vois de moins en moins,
Car c’est déprimant, à la fin,
La fréquentation des gens trop malins
PB_PG.rar (68 Mo)
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Louis-Ferdinand Céline - Robert Desnos
RépondreSupprimerMonsieur le Rédacteur en Chef,
Votre collaborateur Robert Desnos est venu dans votre numéro du 3 mars 1941 déposer sa petite ordure rituelle sur Les Beaux Draps, ordure bien malhabile si je la compare à tant d’autres que mes livres ont déjà provoquées. Un de mes amis détient toute une bibliothèque de ces gentillesses. Je ne m’en porte pas plus mal, au contraire de mieux en mieux.
Monsieur Desnos me trouve ivrogne, "vautré sur moleskine et sous comptoirs", ennuyeux à bramer, moins que ceci... pire que cela... Soit ! moi je veux bien, mais pourquoi monsieur Desnos ne hurle-t-il pas plutôt le cri de son coeur, celui dont il crève inhibé... "mort à Céline et vivent les Juifs !"
Monsieur Desnos mène, il me semble, campagne philoyoutre (et votre journal) inlassablement depuis juin. Le moment doit être venu de brandir enfin l’oriflamme. Tout est propice. Que s’engage-t-il, s’empêtre-t-il dans ce laborieux charabia ?... mieux encore, que ne publie-t-il monsieur Desnos, sa photo grandeur nature, face et profil, à la fin de tous ses articles ? La nature signe toutes ses oeuvres. Desnos, cela ne veut rien dire.
Va-t-on demander au serpent ce qu’il pense de la mangouste ? Ses sentiments sont bien connus, naturels, irrémédiables, ceux de monsieur Desnos aussi. Le tout est un peu de franchise. Voici tout ce qu’il importait de faire savoir à vos lecteurs, réponse que je vous prie d’insérer, en même lieu et place dans votre prochain numéro.
Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur le Rédacteur en Chef, l’assurance de mes parfaits sentiments.
Louis-Ferdinand Céline, "Aujourd’hui", 7 mars 1941.
La part d'ombre de Destouches, sa dark side, à chacun sa crasse du cœur et sa dégueulasserie...
RépondreSupprimerQuestion d'époque et de contexte aussi, toujours regarder les faits d'hier avec les yeux d'hier...
Voir aussi ce qui peut être dit sur l'écrivain à cette adresse :
http://www.voie-militante.com/divers/memoire/louis-ferdinand-celine-chevalier-ordure-nationale/
Quant à Desnos, rien que pour les "4 sans cou", il mérite amplement le détour !
COMPLÉMENT D'INFO !
RépondreSupprimerLe Petit Monde De Youqui
http://www.apophtegme.com/ARTS/DESNOS/youki01.htm