Il arrive parfois qu'on soit sollicité via un mail pour participer à une "chaine". En transmettant aux amis le dit mail on devient l'un des maillons de cette chaine et on contribue ainsi à véhiculer une information dont le contenu mais aussi le contenant laissent souvent à désirer. Ce que j'ai reçu récemment m'a incité à écrire ce texte, l'intégralité du mail en question est reproduite plus bas :
Si nous voulons parler de mémoire alors soyons clairs et sachons rester raisonnables et corrects.
Les enseignements de la seconde guerre mondiale sont nombreux et beaucoup de gens à l'époque ont déjà eu à coeur
de réécrire l'Histoire dans le sens du camp des vainqueurs avant même de faire le compte des victimes...
Quelles sont les idéologies triomphantes de l'après-guerre : Le capitalisme, le communisme, le sionisme et le colonialisme.
C'est à travers le prisme de ces idéologies que l'Histoire a été écrite. (On ne demande pas au vainqueur si il a raison : Hitler Mein Kampf).
En Aout 1945, la France massacrait et enterrait dans une fosse commune plusieurs milliers d'algériens à Setif, la patrie reconnaissante envers ses
anciens combattants sans doute et une fois de plus l'impérialisme colonial s'exprimaient.
En Palestine des milliers d'habitants étaient purement et simplement expulsés de leur terre et des villages entiers rasés. (Voir le film Nakba de Ryuichi Hirokawa)
En URSS, de nombreux pays d'europe de l'est sont, après avoir subi le nazisme, sacrifiés sur l'autel du re-découpage mondial voulu et planifié par les "démocraties victorieuses" et livrés au stalinisme.
Aux États Unis, on pendait encore allègrement ceux qui n'ont pas le droit de s'asseoir aux côtés des blancs dans les bus : les noirs (Ceux-là même qu'on avait pu voir dans les premières lignes du débarquement en Normandie)
En France encore, on réécrit la libération de Paris en omettant soigneusement la "Nueve", cette compagnie de la 2ème DB de Leclerc, qui est la première à arriver à l'Hotel de ville en août 1945 et qui est exclusivement composée d'anciens membres des troupes républicaines espagnoles.
La guerre d'Espagne aurait pu alerter tout le reste de l'Europe sur le risque et la menace extrême d'un déferlement du fascisme mais on sait aussi que le capitalisme s'est toujours bien accommodé des dictatures et autres systèmes totalitaires. En fait la stabilité d'un état qui repose sur la domination de classe est une composante du capitalisme et favorise les marchés financiers.
La victoire du franquisme en Espagne est incroyablement instructive à étudier. On constate par exemple que la seule "idéologie" qui y a été persécutée par toutes les autres fût l'expérience libertaire en Catalogne et dans une moindre mesure en Andalousie et à Madrid. On peut dire objectivement que les libertaires espagnols réussirent humainement et économiquement mais que leur stratégie militaire fût incompatible avec leurs idéaux et totalement inefficace face à l'entente de raison passée entre leurs principaux ennemis et/ou alliés : Les doctrines autoritaires capitalistes, fascistes et communistes.
Alors quand on me parle de mémoire à propos des antagonismes de la seconde guerre mondiale et des massacres de populations qu'ils ont pu engendrer, je suis à tous égards méfiant et j'ai envie de conseiller des lectures, des films... Organisons des débats plutôt que de se faire le relais de chaines absurdes dont la source demeure mystérieuse et la formulation pour le moins suspecte.
La notion de génocide est une résultante de l'immédiate après-guerre quand il a fallu qualifier ce qu'on appelle aussi le "crime des crimes" , comme si certains crimes avaient plus de valeur que d'autres, enfin passons...
Citation :
"EN SOUVENIR D'EUX......
Cette semaine en Angleterre tous les programmes relatifs à la commémoration de la Shoah ont été retirés de certains établissements scolaires, avec pour motif que cela "heurte" la population musulmane, qui renie l'existence de la Shoah.
C'est le signe de l'approche d'une catastrophe qui progressivement s'organise dans le monde, un témoignage du laisser-aller des pays s'y
soumettant.
"60 ans se sont écoulés depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en Europe.
Ce mail est envoyé dans le but de former une chaîne du souvenir et en mémoire des
6 millions de juifs,
20 millions de russes,
10 millions de chrétiens,
1900 prêtres catholiques,
aux tziganes,
aux homosexuels qui ont été tués, violés, incinérés, humiliés et sont morts de faim par ceux qui cherchaient un "autre chemin" !
Aujourd'hui, plus que jamais, avec les efforts de l'Iran et d'autres pays ayant déclaré que la Shoah était une "légende", il est impératif de tout faire pour que le monde n'oublie jamais.
Joignez-vous à nous et prenez part dans la chaîne du souvenir, aidez à sa diffusion dans le monde entier.
Merci.
En pièce jointe, la remarquable chanson de Jean FERRAT, Nuit & brouillard."
Voici ce qu'on appelle un amalgame éhonté et "décomplexé" !
Au passage, pauvre Jean Ferrat, aucun mort n'est épargné décidément.
Revenons donc sur les termes :
La shoah qualifie la déportation des populations juives d'Europe et leur extermination dans des camps par les nazis et leurs collaborateurs dans les divers pays concernés.
Les morts russes sont le résultat de la stratégie de guerre stalinienne.
Les chrétiens... Tiens, que je sache le Vatican de Pie XII n'a pas spécialement dénoncé le nazisme et n'a pas non plus joué un rôle décisif dans le combat contre le fascisme en Europe, on pourrait même penser qu'il s'en accommodait assez aisément.
C'est donc pour des motivations propres et à titre personnel que des chrétiens ont pu se trouver dans le décompte final des victimes du nazisme. Quant aux prêtres je crois qu'on les appelle des "défroqués" lorsqu'ils ne suivent pas les directives de leur hiérarchie mais encore une fois, que d'insistance à vouloir mélanger et souder toutes ces victimes en un bloc monolithique ! On pourrait croire que l'on cherche à faire voter les morts; scandaleux, n'est-il pas ?
Les tziganes, il est vrai que depuis on les traite de manière égale au reste de l'humanité en reléguant leur nomadisme apatride dans les décharges et le long des échangeurs d'autoroute... Quant aux homosexuels, la décriminalisation de la pédérastie en France date de 1981 dans les textes et reste un sujet d'actualité dans son acceptation sociale.
C'est pourquoi je me demande dans quel but on se permet de juxtaposer "la population musulmane" et un pays souverain (l'Iran) à la liste non-exhaustive des victimes de la seconde guerre mondiale ? (Quid des opposants allemands de la première heure et des nombreux internationalistes victimes des premiers camps nazis)
Si on y réfléchit un peu, on peut aussi se demander quand on commémorera le génocide rwandais sur lequel toute la vérité n'a pas été dite, le génocide des musulmans dans les balkans à Sebrenitsa sous la surveillance (ou bienveillance?) des pays membres de l'ONU, le génocide des indiens d'Amérique sur lequel repose l'état le plus armé de la planète, le génocide arménien qui n'est toujours pas reconnu...
Quand en France, le mouvement néo-fasciste de Le Pen fait encore un score national avoisinant les 12% et demeure la 4éme force politique du pays, quelles leçons avons nous à donner à nos voisins britanniques ?
Allons, un peu de franchise et cessons de déterrer les morts pour justifier le racisme latent de bon nombre de nos contemporains à l'égard des populations arabes qui sont le plus souvent les premières victimes économiques de nos pays occidentaux post-colonialistes et de l'Islam radical qui sévit là où il est possible à la religion de s'installer comme force politique, c'est à dire partout où règnent la misère et l'analphabétisme.
On compose très bien avec les émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, les principaux porte-paroles d'un Islam radical et intransigeant pour des raisons bassement économiques et dans la mesure où leur neutralité de façade ne dessert en rien l'expansionnisme et l'impérialisme américain en Irak ainsi que la négation et le massacre du peuple palestinien par Israël.
Car les vrais problèmes actuels sont là et les enjeux économiques et géostratégiques du moment se jouent en partie dans cette région du monde. Le pétrole n'est pas une manne inépuisable et tout est bon pour justifier son appropriation où son contrôle. Il faut se méfier des soudains soubresauts de moralité de l'occident quant à la gestion de la vie publique et politique en Iran. On ne découvre pas le président Ahmadinejab et la branche politique dont il est issu.
L'Iran est un pays souverain et peu importe que son président soit une brute vulgaire et dangereuse, les iraniens trouveront bien le moyen de s'en débarrasser sans une intervention extérieure qui serait vécue, à juste titre, comme une ingérence. Si ce genre de personnage peut encore trouver de l'écoute et obtenir l'adhésion d'une minorité, c'est aussi parce qu'Israël continue de mener une guerre injuste à l'encontre d'une population entière en Palestine et commémorer ou non la Shoah, n'y changera rien car certains esprits chagrins pourront toujours arguer du fait que les victimes d'hier sont les bourreaux d'aujourd'hui.
C'est pourquoi, en conclusion, votre "chaine", à mon sens pue l'ignorance et laisse suinter de dangereux antagonismes que certains aimeraient à remettre au goût du jour, à savoir l'occident judéo-chrétien contre les infâmes sarrasins.
Pour information mais aussi pour désamorcer toute critique qui verrait dans mon exposé un relent d'anti-sémitisme :
Les Sémites sont un ensemble de peuples utilisant ou ayant utilisé les langues sémitiques. Ils regroupent plusieurs peuples différents, et dont les individus les composant sont d'origines ethniques différentes. La seule utilisation de l'adjectif « sémite » (ou « sémitique ») fondée scientifiquement se fait dans le cadre de l'étude des langues : on désigne alors sous ce vocable les langues araméennes modernes, arabe, hébraïque et éthiopienne, et leurs parents antiques maintenant éteints comme l'akkadien, le syriaque, l'amorrite le phénicien ou l'ougaritique. L'antisémitisme comme le veut l'acception des auteurs du terme, désigne une forme de racisme envers les personnes d'origine juive. Il convient donc d'ajouter qu'un concept de race sémite ou sémitique n'a pas de sens scientifique, et n'existe que dans les représentations mentales des tenants du racisme, le plus souvent antisémite.
eJo. L'homme par qui la chaine de l'ignorance et de la veulerie ne passera pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire