"Je suis un homme célèbre, la renommée claironne mon nom aux quatre coins du globe. Il y a de quoi rendre jaloux ceux qui se donnent tant de peine pour faire parler d'eux. Ce que j'ai fait, dois-je le regretter ? Non ! Et s'il fallait continuer, je continuerais. Si cette chose n'était pas arrivée, j'aurais passé toute ma vie à parler aux coins des rues à des hommes méprisants... J'aurais pu mourir inconnu, ignoré : Un raté ! Ce dernier moment est le nôtre, cette agonie est notre triomphe. Tout homme a le droit de vivre sa vie et puisque notre soviété imbécile et criminelle prétend me l'interdire... Eh bien, tant pis pour elle, tant pis pour vous, tant pis pour nous tous. Je meure, Dieudonné est innocent. Vive l'anarchie." Extrait du "testament" de Jules Joseph Bonnot (dans le film de P. Fourastié - Dialogues de Marcel Jullian) lors de son assassinat par la police le 29 avril 1912 à Choisy-le-Roi.
Le lendemain du 29 avril 1912, lorsque Jules Bonnot est abattu comme une bête dans sa tanière, Léon Bloy écrit un texte qui ne peut évidemment être publié. On peut croire qu’il ne cherche même pas une audience. Il le confiera seulement au sixième volume de son journal, Le Pèlerin de l’Absolu, qui ne paraîtra que deux ans plus tard : "L’événement qui remplit toutes les feuilles et toutes les cervelles, c’est la capture et la mort de l’anarchiste Bonnot, chef d’une bande qui terrifiait Paris et la province depuis des semaines : vols, cambriolages, assassinats. En remontant jusqu’à Ravachol, je peux dire que je n’ai rien vu de plus ignoble, de plus totalement immonde en fait de panique et d’effervescence bourgeoise.
Le misérable s’était réfugié dans une bicoque, à Choisy-le-Roi. Une multitude armée a fait le siège de cette forteresse défendue par un seul homme qui s’est battu jusqu’à la fin, quoique blessé, et qu’on n’a pu réduire qu’avec une bombe de dynamite posée par un héros (!) qui a opéré en se couvrant d’une charrette à foin et cuirassé de matelas.
Les journaux ne parlent que d’héroïsme. Tout le monde a été héroïque, excepté Bonnot. La population entière, au mépris des lois ou règlements de police, avait pris les armes et tiraillait en s’abritant. Quand on a pu arriver jusqu’à lui, Bonnot agonisant se défendait encore et il a fallu l’achever.
Glorieuse victoire de dix mille contre un. Le pays est dans l’allégresse et plusieurs salauds seront décorés.
Heureusement Dieu ne juge pas comme les hommes. Les bourgeois infâmes et tremblant pour leurs tripes qui ont pris part à la chasse, en amateurs, étaient pour la plupart, j’aime à le croire, de ces honorables propriétaires qui vivent et s’engraissent de l’abstinence ou de la famine des pauvres, chacun d’eux ayant à rendre compte, quand il crèvera, du désespoir ou de la mort d’un grand nombre d’indigents. Protégés par toutes les lois, leur infamie est sans aucun risque. Sans Dieu, comme Bonnot, ils ont l’hypocrisie et l’argent qui manquèrent à ce malheureux. J’avoue que toute ma sympathie est acquise au désespéré donnant sa vie pour leur faire peur et je pense que Dieu les jugera plus durement.
Cette brillante affaire avait nécessairement excité la curiosité la plus généreuse. Ayant duré plusieurs heures, des autos sans nombre avaient eu le temps d’arriver de Paris, amenant de nobles spectateurs impatients de voir et de savourer l’extermination d’un pauvre diable. Le comble de l’infamie a été la présence, dans les autos, d’une autre armée de photographes accourus, comme il convient, pour donner aux journaux tous les aspects désirables de la bataille."
Le synopsis : Paris, 1911. Après avoir purgé une peine de prison pour un désordre créé par des ouvriers, le leader Raymond Callemin, dit "La Science", retrouve ses camarades, Garnier, dit "Le Terrassier", Édouard Carouy, André Soudy et Eugène Dieudonné, qui vivent en communauté avec femmes et enfants dans la demeure de Victor Kibaltchitch (qui deviendra plus tard Victor Serge), un anarchiste pacifiste. A peine réunie, la petite bande décide de se séparer du mouvement, trop sage à son goût, afin de mener sa propre action plus violente contre la société bourgeoise. Pour ce faire, ils s'adjoignent le concours du mécanicien Jules Bonnot. Le poète Octave Garnier et sa maîtresse, Marie la Belge, leur emboîtent le pas...
Le film en tant que tel mérite amplement d'être vu. Tout d'abord parce que les rôles principaux - mis en valeur par les dialogues de Jullian - sont incarnés par une jolie brochette d'acteurs & actrices, jouant parfois les seconds couteaux au cinéma : Jacques Brel (Raymond La Science), Bruno Cremer (Jules Bonnot), Annie Girardot (Marie La Belge), Jean-Pierre Kalfon (presque méconnaissable en Octave Garnier), François Dyrek (Édouard Carouy), Dominique Maurin (André Soudy), Michel Vitold (Victor Kilbatchitch), Nella Bielski (Rirette Maîtrejean), Pascal Aubier (Eugène Dieudonné), Armand Mestral (Louis Jouin, n°2 de la sûreté nationale)... Le décorum "début XXème siècle" est également au rendez-vous, des ruelles de Paname aux faubourgs ainsi que dans les villes et campagnes traversées.
Vive l'anarchie - extrait de "la bande à bonnot" par LutinMalin
Les manques & les inexactitudes
Il manque beaucoup de personnages importants, comme Elie Monnier, Marius Metge et, bien sûr, René Valet dit "Poil de Carotte", qui s'est fait tuer au siège nocturne de Nogent sur Marne en compagnie d'Octave Garnier, à la villa Bonhoure en mai 1912. Ceci, presque un mois après le siège du garage "Fromentin" de Choisy le Roi, où Jules a trouvé la mort au 1º étage, après que Dubois - qui avait hébergé Bonnot - fut abattu par la Sûreté. Callemin, dit "Raymond la Science" ou bien "Bébé rose", 22 ans pour 1,60 mètres, ne portait pas de moustaches contrairement à Jacques Brel dans le film. C'est Édouard Carouy, qui s'est blessé avec son Browning et non Raymond.
André Soudy, n'a participé qu'à une seule "affaire double" de la bande : L'attaque de Montgeron (près de l'endroit où eut lieu l'attaque du "courrier de Lyon") où furent agressés Mr Cerisolles et Mr Mathille, pour s'emparer de l'auto qui a été utilisée quelques heures après pour le braco de la Société Générale de Chantilly. Il est a noter que Soudy n'a jamais tué personne... Carouy et Metge ont commis un double assassinat à Thiais au début de l'année, formellement identifiés, ils ont étés condamnés au bagne.
Ont été condamnés à mort, Soudy, Callemin, Monnier et Dieudonné qui eût sa peine commuée au bagne à perpétuité en compagnie de De Boe. Kibaltchitch (M.Vitold), n'avait que 32 ans et était brun, Rirette Maitrejean (Son amie) apparait très effacée.... C'est surtout Louise Dieudonné qui a beaucoup "aidé" à solutionner l'affaire, moyennant finances...
André Soudy, n'a participé qu'à une seule "affaire double" de la bande : L'attaque de Montgeron (près de l'endroit où eut lieu l'attaque du "courrier de Lyon") où furent agressés Mr Cerisolles et Mr Mathille, pour s'emparer de l'auto qui a été utilisée quelques heures après pour le braco de la Société Générale de Chantilly. Il est a noter que Soudy n'a jamais tué personne... Carouy et Metge ont commis un double assassinat à Thiais au début de l'année, formellement identifiés, ils ont étés condamnés au bagne.
Ont été condamnés à mort, Soudy, Callemin, Monnier et Dieudonné qui eût sa peine commuée au bagne à perpétuité en compagnie de De Boe. Kibaltchitch (M.Vitold), n'avait que 32 ans et était brun, Rirette Maitrejean (Son amie) apparait très effacée.... C'est surtout Louise Dieudonné qui a beaucoup "aidé" à solutionner l'affaire, moyennant finances...
Lorsque Garnier et Valet se sont planqués à Nogent, ils étaient accompagnés de leurs amies respectives : Marie Schoofs, épouse Vuillemin, dite "Marie la Belge" pour Garnier ainsi que Anne Donton, la petite amie de René Valet. Ils avaient loué la "Villa Bonhoure" (qui en fait était un ancien petit local festif) situé en partie sous le viaduc. Le fait qu'ils "faisaient du pyjama" et qu'ils ne semblaient avoir aucune activité professionnelle, attira la curiosité du voisinage... Dénoncés, Anne fut appréhendée sur le chemin de la villa, juste un peu avant que la Sûreté commence l'intervention. Marie la Belge fut "renvoyée de la maison" (pour lui éviter le pire) par Octave, juste avant l'intervention démesurément musclée. Garnier et Valet voulaient mourir au combat et comme ils n'avaient aucun doute quant à l'issue de l'affrontement, ils ont conclu un "Gentlemen's agreement" avec les autorités. Ce siège de Nogent, fut encore plus ridicule que celui de Bonnot à Choisy Le Roi. En nocturne avec plus d'effectifs et de spectateurs...Vers les 2 heures du mat', on a estimé qu'il y avait environ 40.000 spectateurs sur les lieux contre environ 25.00 à Choisy.
Édouard Carouy, (L'homme qui libérait les oiseaux), a en effet tenté de se tuer dans les locaux de la P.J. en ingérant un "poison" donné par un "ami". Le cyanure n'était en fin de compte qu'un laxatif...
Par contre, dans la nuit qui suivit le verdict - la prison à perpétuité - Carouy s'est tué en ingérant du cyanure qui était dissimulé depuis longtemps dans la semelle d'une de ses chaussures.
Jules Bonnot était le plus âgé de la bande. Il avait de l'expérience - vols de véhicules, perçages de coffres, diverses cambrioles. C'était un gars aguerri dans le banditisme pur. Tous les autres actifs de la bande étaient tous des gamins idéalistes dont l'âge ne dépassait pas 24 ans. Ils pratiquaient la "reprise individuelle" et menaient une vie "très saine" (Même durant leur détention). Pas de Viande, de tabac, de café. Addeptes de la "Gymnastique Suédoise", une hygiène très poussée pour l'époque... Mais ils attendaient le "détonnateur" qui déclencherait l'accomplissement de leur utopie : Faire trembler la Sociéte sur sa base. Ils en avaient un peu ras la casquette de l'illégalisme à la cool prônée par Victor Kilbatchitch depuis que les locaux du journal "L'anarchie" avaient été déménagés de Romainville au 23 de la rue Fressart à Montmartre.
Bonnot, quant à lui, se comportait plus en truand, qui ne tire que pour se défendre ou parce qu'íl ne peut faire autrement. Quand il débarque en décembre 1911, tout peut commencer.
Lors de l'attaque de la Rue Ordener, seul Octave a tiré immédiatement sur Caby. Le Garde du corps Peemans, n'étant pas armé, a détalé en criant "Au secours!! A l'assassin". Raymont lui a tiré dessus sans le toucher. Comme Caby s'accrochait désesperement à la sacoche, Garnier lui a re-tiré dessus, tout cela pour la somme de 5322 francs et des titres difficilement négociables. La bande ne sut jamais que le banquier avait dans ses poches plus de 50.000 francs d'or et d'argent...
Se sont ensuite joints à la bande de base Bonnot - Callemin -Garnier, les nommés Soudy, Monnier (dit Simentoff), Carouy et Valet.
Se sont ensuite joints à la bande de base Bonnot - Callemin -Garnier, les nommés Soudy, Monnier (dit Simentoff), Carouy et Valet.
On ne parle malheureusement pas dans le film de tout ce qu'à fait celle qu'on nomme "l'amie de Dieudonné" : Louise, dite aussi "La venus Rouge". C'est elle le premier & dernier amour de Raymond Callemin... Et qui l'a finalement trahi, vendu aux cognes. Ce n'est en aucun cas Marie La Belge, (Annie Girardeau) puisqu'elle était profondément amoureuse d'Octave.
La lettre envoyée (dans le film) par Raymond et Octave au Chef de la Sûreté "Guichard-Coeur-de-Lion", fut en fait envoyée par Garnier seul á la rédaction du journal "Le Matin". Bien sûr, il savait que cette lettre serait communiquée aux services de Police. (Source)
Histoires de Marne la bande à Bonnot par valtv
La bande à Bonnot, et Garnier en particulier, représentent la révolte poussée à un point de non retour. Une révolte sans espoir qui intensifie la vie et détruit tout repère moral. Une course à un rythme trépidant qui ne pourra déboucher que sur la mort... et la gloire éventuellement. "Une ligne de fuite qui se transforme en ligne de mort" dirait Deleuze, le philosophe. "Vive la mort !" s'exclament les héros au milieu du récit. L'absence d'états d'âmes de Garnier à terrasser tous les hommes qui se trouvent par malheur sur son passage laisse entrevoir une subjectivité au-delà des limites qui inquiète. D'une part, par delà le bien et le mal, Garnier semble avoir reconquis sa dignité et sa puissance en choisissant de devenir l'ennemi de toute une société. Mais il s'est également transformé en "terrassier" (le surnom qui lui fut donné) par un étrange processus parallèle. Il n'est pas devenu un être froid et désaffecté pour autant. Ses mémoires rappellent que la révolte gronde en lui et le nourrit jusqu'à la fin. Et il la pousse jusqu'à son paroxysme en acceptant dés le départ sa propre mort. Dans ces conditions, plus il en emportera avec lui dans la tombe, plus sa revanche sera éclatante. Quand la mort se noue à l'absolu de son propre sacrifice, et qu'elle scelle un pacte d'amitié entre des hommes qui ont accepté de se battre ensemble, non plus par idéal, mais par simple défi, ils deviennent paradoxalement immortels et se rapprochent de la beauté. Est-ce un nihilisme vivifiant ? Un ressentiment exalté ? En tout cas, c'est une jouissance dérangeante qu'on tente toujours d'élucider.
Une composition explosive qui sévit aujourd'hui sous d'autres formes. (Source)
Une composition explosive qui sévit aujourd'hui sous d'autres formes. (Source)
Jacques Brel a fait la promotion du film lors de sa sortie en salles sur Europe N°1… s’ attirant les foudres épistolaires de Léo Malet (qui égratigne au passage les grévistes de l’époque…) :
"Cher Monsieur,
les ouvriers conscients et alcoolisés (race particulièrement dégueulée par les Bandits Tragiques), étant en grève dans l’espoir de substituer à la société mal foutue dans laquelle nous vivons, une autre société plus mal foutue encore, à base de flics rouges, cette lettre vous parviendra je ne sais quand mais je vous l’écris tout de même.
Je vous ai entendu cet après-midi à Europe. Je suis navré de constater avec quel brio vous pouvez déconner, lorsque vous vous laissez aller, en compagnie de meneurs de jeu cousus d’or et autres saltimbanques.
Ce serait toutefois de peu d’importance si vos propos, par les erreurs grossières qui les émaillent, ne laissaient prévaloir de quelle qualité sera le film sur la bande à Bonnot dans lequel, par ce que Belge (!), vous obtenez le rôle de Raymond Callemin, ce Callemin dont vos dites qu’il était "l’idéaliste, le gars qui dirigeait les anarchistes".
C’est n’avoir rien compris à ces milieux que de dire cela. Il n’y avait pas de "chef". Il y avait entente entre personnages partageant les mêmes idées, ces idées postulant qu’il n’y avait de révolution qu’individuelle et que, dans une société d’abrutis, il importait de se débrouiller soi même pour vivre sa vie et "développer harmonieusement et égoïstement sa cynique individualité". Malheureusement, ces théories illégalistes, qui fleurissaient à l’époque chez les anars, où le vol à l’étalage et la fabrication de fausse monnaie se pratiquaient sur une assez vaste échelle, avant d’aboutir à la sorte d’opération-suicide qui commença rue Ordener, loin de libérer les copains leur fit prendre le chemin des ergastules ou de l’échafaud. En 1927 encore, cela faisait l’objet de controverse chez les anars.
Pour en revenir à l’émission d’Europe, vous dites que Callemin était le disciple des grands théoriciens de l’anarchie. Quels théoriciens ? Libertad ? Allons, allons ! Callemein était surtout un fervent lecteur du biologiste Le Dantec, dont il avait dévoré les œuvres en les assimilant mal. Ce n’est pas le calomnier que de le dire. Ce n’est pas davantage le calomnier que de trouver, disons amusant, qu’il tint les « baudelairiens » pour les idiots (Victor Méric : les Bandits Tragiques, page 112).
Donc, Callemin, "disciple des grands théoriciens de l’anarchie". (Anarchisme conviendrait mieux.) Ici, quelques secondes de rigolade, car le meneur de jeu, qui ne veut pas être en reste d’érudition (par ces temps de cuculture), ajoute : "… d’où sont sortis Lénine, Trotsky, etc." Le meneur de jeu est payé pour faire preuve de diarrhée verbale. On ne peut donc lui tenir rigueur de proférer de telles sottises. Mais pourquoi donc, vous, à ce moment, au lieu de rectifier, approuvez vous par un "C’est ça" des plus désarmants ? Souci de ne pas prolonger une discussion dont ce n’est pas le lieu ou ignorance également de votre part ?
"La presse de l’époque en a fait des bandits". Soyons sérieux. Qu’étaient-ils d’autres ? L’acceptation communément admise du mot "bandit" est la suivante : “individu en révolte ouverte contre les lois “. Les commentateurs favorables à l’épopée des illégalistes n’ont pas rejeté l’appellation, et mon ami André Colomer dans son livre "A nous deux, Patrie", s’est contenté de remplacer l’adjectif "tragiques" par "individualistes". Les bandits individualistes. Voilà ce qu’ils étaient. Des Bandits, mais des bandits d’un genre particulier, des "bandits à idées", comme nous disions, n’ayant pas pour ambition de mener une vie de noce, puisqu’ils ne fumaient ni ne buvaient. Rien des criminels de droit commun (à part quelques uns, fatalement), des bandits, pas des crapules… le seul mot juste que vous ayez prononcé au cours de cette émission. Mais c’est une constatation qui va de soi et, depuis longtemps même des bourgeois l’ont reconnu sans vous attendre. (Emile Michon : "Un peu de l’âme des Bandits", 1913)
Pour en revenir à l’émission d’Europe, vous dites que Callemin était le disciple des grands théoriciens de l’anarchie. Quels théoriciens ? Libertad ? Allons, allons ! Callemein était surtout un fervent lecteur du biologiste Le Dantec, dont il avait dévoré les œuvres en les assimilant mal. Ce n’est pas le calomnier que de le dire. Ce n’est pas davantage le calomnier que de trouver, disons amusant, qu’il tint les « baudelairiens » pour les idiots (Victor Méric : les Bandits Tragiques, page 112).
Donc, Callemin, "disciple des grands théoriciens de l’anarchie". (Anarchisme conviendrait mieux.) Ici, quelques secondes de rigolade, car le meneur de jeu, qui ne veut pas être en reste d’érudition (par ces temps de cuculture), ajoute : "… d’où sont sortis Lénine, Trotsky, etc." Le meneur de jeu est payé pour faire preuve de diarrhée verbale. On ne peut donc lui tenir rigueur de proférer de telles sottises. Mais pourquoi donc, vous, à ce moment, au lieu de rectifier, approuvez vous par un "C’est ça" des plus désarmants ? Souci de ne pas prolonger une discussion dont ce n’est pas le lieu ou ignorance également de votre part ?
"La presse de l’époque en a fait des bandits". Soyons sérieux. Qu’étaient-ils d’autres ? L’acceptation communément admise du mot "bandit" est la suivante : “individu en révolte ouverte contre les lois “. Les commentateurs favorables à l’épopée des illégalistes n’ont pas rejeté l’appellation, et mon ami André Colomer dans son livre "A nous deux, Patrie", s’est contenté de remplacer l’adjectif "tragiques" par "individualistes". Les bandits individualistes. Voilà ce qu’ils étaient. Des Bandits, mais des bandits d’un genre particulier, des "bandits à idées", comme nous disions, n’ayant pas pour ambition de mener une vie de noce, puisqu’ils ne fumaient ni ne buvaient. Rien des criminels de droit commun (à part quelques uns, fatalement), des bandits, pas des crapules… le seul mot juste que vous ayez prononcé au cours de cette émission. Mais c’est une constatation qui va de soi et, depuis longtemps même des bourgeois l’ont reconnu sans vous attendre. (Emile Michon : "Un peu de l’âme des Bandits", 1913)
"Il y avait des choses très étonnantes (sic). Ils étaient pour l’amour libre, dans un sens noble". Pourquoi étonnantes ? Et qu’est-ce que le sens noble ? Ce sujet ardu, délicat et compliqué, qui a donné lieu à d’interminables discussions dans les milieux et n’a jamais été résolu, vous auriez mieux fait de le passer sous silence (puisqu’impossible à développer), car il risque d’être mal compris et défiguré, l’amour libre n’étant pas la chiennerie sexuelle. Et dans ce domaine, de tous temps, chaque anar s’est déterminé selon ses propres lois (tant pis pour le mot)…
…Vous trouverez peut être, Monsieur, que j’accorde une importance exagérée à des fragments d’une conversation à bâtons rompus n’ambitionnant pas d’être gravés dans le marbre, sinon sur une piste magnétique.
Comprenez que cette lettre m’est dictée par les craintes que j’éprouve à voir traiter par le film une affaire et des hommes sans tout le sérieux souhaitable, craintes que les propos entachés d’erreurs que vous avez tenus semblent devoir justifier. Depuis plus de quarante ans, en long, en large , en diagonale et par transparence, en noir et en couleurs, et que ce soit pour ou contre, j’entends déconner sur les Bandits Tragiques. Je commence à en avoir marre (surtout lorsqu’il s’agit de transformer leur sang en fric) et je profite de chaque occasion pour le clamer.
Je vous prie d’agréer, cher Monsieur, mes salutations individualistes et non-conformistes. Léo Malet "
(cité dans « Léo Malet ». Cahiers du Silence. Kesselring)
(cité dans « Léo Malet ». Cahiers du Silence. Kesselring)
Ils ont dit...
"Je sais que cela aura une fin dans la lutte qui s'est engagée entre le formidable arsenal dont dispose la société et moi, je sais que je serai vaincu je serai le plus faible mais j'espère vous faire payer cher votre victoire."
Lettre de Garnier au préfet de Police le 19 mars 1912.
Lettre de Garnier au préfet de Police le 19 mars 1912.
"Réfléchissons. Nos femmes et nos enfants s'entassent dans des galetas, tandis que des milliers de villas restent vides. Nous bâtissons les palais et nous vivons dans des chaumières. Ouvrier, développe ta vie, ton intelligence et ta force. Tu es un mouton : les sergots sont des chiens et les bourgeois sont des bergers. Notre sang paie le luxe des riches. Notre ennemi, c'est notre maître. Vive l'anarchie."
Quelques mots trouvés griffonés sur un papier dans les poches de Garnier abattu à Nogent-sur-Marne.
Quelques mots trouvés griffonés sur un papier dans les poches de Garnier abattu à Nogent-sur-Marne.
"Vous faites une bonne affaire! Ma tête vaut cent mille francs, chacune des vôtres sept centimes et demi. Oui, c'est le prix exact d'une balle de browning!"
Déclaration de Callemin aux policiers venus l’interpeller.
Déclaration de Callemin aux policiers venus l’interpeller.
Photos de haut en bas :
André SOUDY, dit"pas de chance", dit"Becamelle",19 ans.
Édouard CAROUY, 26 ans.
Elie MONIER, dit "Simentoff", 26 ans.
Eugène DIEUDONNÉ, 27 ans.
Gauzy
Marie SCHOOFS, épouse VUILLEMIN, dite "Marie la Belge", fiancée d'Octave Garnier, 24 ans.
Marius METGE, dit "le cuisinier", 24 ans.
Raymond CALLEMIN, dit "Raymond la Science" ou "Bébé rose", 22 ans.
Victor KILBATCHITCH - Futur Victor SERGE- 29 ans.
Gaston Farelicq fut policier à Paris pendant trente ans (à partir de 1896). Il participa -activement - au siège de Nogent-sur-Marne et à celui de Choisy-le-Roi. En outre, il participa à l'organisation de diverses exécutions capitales, notamment celles de ces trois membres de la bande à Bonnot, le 21 avril 1913, devant la prison de la Santé. De service au pied de l'échafaud, il raconte :
"Le ciel était de plomb ce jour-là, pendant que Deibler et ses aides construisaient la sinistre machine. Soudain, il fut traversé d'une traînée lumineuse et les becs de gaz s'éteignirent un à un. 4h25. Un roulement. C'est la voiture qui arrive lentement sur le pavé et s'arrête devant la lugubre machine. Deibler descendu le premier la fait avancer un peu...
La double portière du fond s'ouvre. Et à la lueur falotte d'une lampe qui se balance au bout d'un bras on distingue, sur deux bancs latéraux qui se font face à face, d'un coté les aides, de l'autre les condamnés, au col largement échancré. Au fond, Monier, au milieu, Callemin, à l'autre Soudy, déja placés dans l'ordre de leur destin. Soudy s'avance le premier...
"Le ciel était de plomb ce jour-là, pendant que Deibler et ses aides construisaient la sinistre machine. Soudain, il fut traversé d'une traînée lumineuse et les becs de gaz s'éteignirent un à un. 4h25. Un roulement. C'est la voiture qui arrive lentement sur le pavé et s'arrête devant la lugubre machine. Deibler descendu le premier la fait avancer un peu...
La double portière du fond s'ouvre. Et à la lueur falotte d'une lampe qui se balance au bout d'un bras on distingue, sur deux bancs latéraux qui se font face à face, d'un coté les aides, de l'autre les condamnés, au col largement échancré. Au fond, Monier, au milieu, Callemin, à l'autre Soudy, déja placés dans l'ordre de leur destin. Soudy s'avance le premier...
- Au revoir, camarades ! dit-il.
- À tout à l'heure ! répond Monier.
- Il fait froid, ajoute-t-il, d'une voix étouffée pendant qu'il descend.
Mais il est saisi, précipité et le couteau tombe. Un coup d'éponge et on le remonte.
C'est au tour de Callemin. Il gouaille : "C'est beau, l'agonie d'un homme." Puis il se livre et son corps rejoint celui de Soudy dans le lugubre panier.
Alors le dernier, Monier, le plus âgé, apparaît à son tour. Deux fois déjà il a entendu résonner la chute sinistre. Très maître de lui et phraseur jusqu'au bout, levant la tête et regardant bien en face ceux qui l'entourent il dit d'une voix
nette :
- Adieu à tous, Messieurs et à la société aussi.
Puis au moment où il met le pied sur le premier échelon : "Au revoir !". C'est bien fini cette fois. Il est 4h52 ! Dans le panier c'est un mélange de trois corps et de trois têtes.
La toilette de la machine s'opère pendant que l'abbé Geispitz, le vénérable aumonier, très èmu, raconte à voix basse que Soudy et Monier l'aimaient bien et lui avaient demandé de les accompagner à l'échafaud, tandis que Raymond la science, irréductible, avait accueilli ses pieuses exhortations par ces mots désenchantés : "Hélas ! vie sans lendemain ! qui peuvent bien servir d'épitaphe à cette jeunesse disparue en quelques jours pour avoir écoutez les mauvais bergers et voulu la vivre sans frein ni loi, en dépensant contre la société dans des conditions spasmodiques des trésors de vitalité, d'énergie et d'audace dont elle eût pu leur être reconnaissante s'ils avaient été employés à son profit".
- À tout à l'heure ! répond Monier.
- Il fait froid, ajoute-t-il, d'une voix étouffée pendant qu'il descend.
Mais il est saisi, précipité et le couteau tombe. Un coup d'éponge et on le remonte.
C'est au tour de Callemin. Il gouaille : "C'est beau, l'agonie d'un homme." Puis il se livre et son corps rejoint celui de Soudy dans le lugubre panier.
Alors le dernier, Monier, le plus âgé, apparaît à son tour. Deux fois déjà il a entendu résonner la chute sinistre. Très maître de lui et phraseur jusqu'au bout, levant la tête et regardant bien en face ceux qui l'entourent il dit d'une voix
nette :
- Adieu à tous, Messieurs et à la société aussi.
Puis au moment où il met le pied sur le premier échelon : "Au revoir !". C'est bien fini cette fois. Il est 4h52 ! Dans le panier c'est un mélange de trois corps et de trois têtes.
La toilette de la machine s'opère pendant que l'abbé Geispitz, le vénérable aumonier, très èmu, raconte à voix basse que Soudy et Monier l'aimaient bien et lui avaient demandé de les accompagner à l'échafaud, tandis que Raymond la science, irréductible, avait accueilli ses pieuses exhortations par ces mots désenchantés : "Hélas ! vie sans lendemain ! qui peuvent bien servir d'épitaphe à cette jeunesse disparue en quelques jours pour avoir écoutez les mauvais bergers et voulu la vivre sans frein ni loi, en dépensant contre la société dans des conditions spasmodiques des trésors de vitalité, d'énergie et d'audace dont elle eût pu leur être reconnaissante s'ils avaient été employés à son profit".
Verdict du 28 février 1913 :
Peines Capitales
CALLEMIN Raymond,
SOUDY André,
MONIER, Elie Antoine,
DIEUDONNE Eugène.
Travaux forcés à perpétuité
CAROUY Edouard,
METGE Marius.
Autres peines
DE BOE Paul, 10 ans de travaux forces + 5 ans Interdiction de sejour (I.S.)
BENARD. Kleber Hoche Lodi, 6 ans de réclusion + 5 ans I.S.
KILBATCHICHE Victor Napoleon, 5 ans de réclusion + 5 ans I.S.
POYER André, 5 ans de réclusion + 5 ans I.S.
CROZAT de FLEURY, 5 ans de réclusion.
DETTWEILLER Jean Georges, 4 ans de prison.
BELONIE David, 4 ans de prison.
GAUZY Antoine Scipion, 18 mois d'emprisonnement.,
JOURDAN, 18 mois d'emprisonnement.
REINERT Charles, 1 an d'emprisonnement.
Sont condamnés à verser une somme de 2.000,00 Francs de dommages et interêts à Monsieur ARFEUX (Le fils de Mme ARFEUX, la bonne de Mr MOREAU, assassinés dans la nuit du 2 au 3 Janvier 1912 à Thiais), les nommés CAROUY Édouard, METGE Marius et CROZAT DE FLEURY.
Acquittements
Les femmes, MAITREJEAN, VUILLEMIN, LE CHEC'H, ainsi que RODRIGUEZ Leon Armand
N'ont pas été jugés les nommés GODOROWSKI (En fuite) et RIMBAULT Louis, interné en asile... GODOROWSKY ne sera jamais retrouvé. Léon RODRIGUEZ à été acquité pour "L'affaire BONNOT", mais il a éte condamné par le tribunal de LILLE à 8 ans de travaux forcés pour émission de fausse monnaie...
Sources & Liens
grands.criminels.free.fr
grands.criminels.free.fr
Ces sujets peuvent aussi vous intéresser
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire